Turkish delight

Ah l’hiver ! Si certains l’attendent avec impatience pour pouvoir profiter des joies de la glisse dans nos blanches montagnes, il représente pour ma part souvent l’occasion d’aller voir ce qu’il en est du caillou ailleurs dans le monde. Vers des climats plus cléments que le nôtre de préférence, même si à Nice, nous sommes loin d’être à plaindre.

La neige sur les sommets avoisinants

Alors cette année, j’ai profité de l’élan donné par un groupe d’amis, Gwendal, Pat et Yannick pour m’embarquer avec eux en direction de la Turquie, et plus précisément de ce célèbre site tout proche d’Antalya : Geyikbayiri. Antalya est une grosse ville située sur la côte sud de la Turquie, une abomination architecturale gavée de barres d’immeubles plus laides les unes que les autres, construites sans le moindre semblant de logique. La ville semble victime d’un développement trop rapide pour être organisé, développement nécessaire pour faire face aux hordes estivales de touristes dans cette partie du monde et probablement pour faire bonne figure devant l’Europe occidentale. Enfin, ce n’est qu’une impression que j’ai eue, je n’ai pas la capacité d’analyser en profondeur.

Un turc musicien

La visite d'Antalya

En tout cas, la ville et ses environs n’ont pas été à la hauteur de ce à quoi je m’attendais. Si le vieil Antalya possède un charme tout relatif (faut aimer les baraques délabrées et les bateaux échoués), ce que j’ai pu voir de la côte en roulant vers le sud en direction d’Olympos ne m’a pas franchement emballé. La nature pourrait sembler peut-être jolie pour un parisien, mais en tant que niçois habitué de la méditerranée, rien de particulièrement nouveau ne m’a sauté aux yeux. Si ce n’est que bien évidemment, tout ça est moins construit que sur la Riviera. Et heureusement, quand on voit la laideur de ces petites villes balnéaires qui fleurissent ça et là le long de la route, par ailleurs complètement mortes en cette saison.

Un aperçu du vieil Antalya

Un bateau échoué à l'entrée du port d'Antalya

Au final, seuls les nombreux sites archéologiques présents dans la régions semblent dignes d’intérêt et doivent représenter un héritage particulièrement riche pour les amateurs d’histoire. Mais là, je ne peux qu’avouer mon attirance limitée pour ces quelques tas de pierres qui à une époque lointaine devaient être empilées pour former des bâtiments plus ou moins impressionnants. Tête basse, pêché d’ignorance. Il n’en reste pas moins que j’ai adoré me balader seul au milieu des ruines de Termessos, citée antique envahie par la végétation et la brume, à imaginer ce à quoi cela avait du ressembler à l’époque d’une certaine splendeur et à se dire que des gens ont vécu là. Que nous sommes loin de ça aujourd’hui ! Ambiance certaine au milieu des tombeaux qui jonchent les collines. Dommage que ces vestiges soient mal mis en valeur la plupart du temps, mais peut-être est-ce là une forme spéciale de protection d’un patrimoine unique.

Un tombeau renversé à Termessos

Ambiance austère dans la brume de Termessos

L'amphitéâtre, bâtiment le mieux conservé

Bref, revenons à nos moutons. Ou plutôt à nos chèvres car c’est bien des chèvres qui lorgnaient sur nos sandwiches « italiens » et les paquets de petits biscuits entamés. Ca mange tout ces bestioles ! Nous avons débarqué à Antalya un soir, accueillis comme il se doit par deux taxis aussi joyeux qu’une tartine de confiture face contre le carrelage et une météo digne d’une carte postale irlandaise. Malgré que Thomas manque à l’appel pour cause de ratage de correspondance à Paris (ce qui lui occasionnera un égarement de bagage pour agrémenter le tout), nous partons gaiement de l’aéroport d’Antalya en direction du camping Josito, traversant des flaques suffisamment  grandes et profondes pour y perdre son scooter, où nous attendent Tobias et Adriana, les deux gérants de l’affaire. Et quelle affaire, juste sous les falaises, à 20 minutes de marche du secteur le plus loin et 30 secondes des premières voies, le camping ressemble à un petit paradis pour grimpeurs. Tentes, caravanes, bungalows et chalets se côtoient dans un mignon petit pré ensoleillé sous les premiers sommets enneigés. Mummin, fort grimpeur local embauché au camping est particulièrement serviable (merci pour les bagages de Toto). Tobias et Adriana sont accueillants bien qu’un peu trop rigides quand il s’agit de faire les comptes à notre goûts. La rigueur allemande que voulez-vous. Mais de cette rigueur nait un certain confort dont on ne se plaindra pas face aux conditions climatiques pitoyables de notre première semaine de vacances. Froid, pluie, ouragans… Mais j’y viens.

Une vue du camping, avec une arrière plan la première barre.

Nous avions donc opté pour la version grand luxe, le chalet 6 places avec cuisine et salle de bain intégrée. Terrasse pour les petits dej au soleil et poêle à bois pour les soirées humides. Au top du top ! Et pas si cher pour nos bourses au final, avec un peu moins de 12€ par nuit et par personne à 6. Seul inconvénient, ça coupe un peu au niveau social. Ben ouais, on était forcément moins souvent au resto bar du camping. Mais à 2,50€ la pinte d’Efes, la bière locale, et l’ambiance un peu pincée des allemands, principaux locataires du camping, ça nous convenait aussi pas mal.

Petit dej sur la terrasse

Lumières sur le falaises

Le décor est donc posé, reste à parler de ce pour quoi on est venu : les falaises. Geyikbayiri, du nom du petit village le plus proche, c’est une énorme barre longue d’environ 2km, orientée essentiellement au sud et haute de 30 à 50m. Tout n’est pas forcément très attirant à l’œil, et certaines sections ne présentent que peu ou pas d’intérêt pour nous grimpeurs. D’autres en revanche, à l’image des secteurs principaux Sarkit, Magara et Anatolia méritent à eux seuls le déplacement. Un calcaire la plupart du temps compact, aux couleurs chaudes, du jaune au rouge, sculpté comme je l’ai rarement vu, offrant des préhensions et des inclinaisons de toutes sortes : colos, trous, règles, patates… Trop de préhensions diront certains parce que le très haut niveau n’est pas légion. On trouve tout de même quelques voies dans le 8 et à nous, ça nous suffit. Le haut et le petit niveau se côtoient sur les mêmes secteurs, et c’est assez rare pour être souligné. Et les lignes sont toutes plus attirantes les unes que les autres. Comment ne pas succomber à l’unique colonnette de Geyikbayiri games, aux trous d’Inner smile, à l’envolée lunaire de Jaja city, au mur de Seek and destroy ou à la proue de Colonist ?

Gwendal dans "Saleman aleyküm", 7c

Yannick dans un 7a+ sans nom

Thomas dans "Pusht bush", 7b+

Une tchèque dans "Amele", 7a+

C’est donc tout naturellement que nous nous sommes rendus à ces secteurs les premiers jours. Dès les premières longueurs, le ton est donné : une escalade de qualité, parfois technique, parfois physique mais pas trop compliquée en lecture tant les lignes sont évidentes et logiques. L’équipement est intelligent, ça n’engage pas plus que de raison et il y a suffisamment de bonnes prises pour ne pas se mettre des combats de clip. Tout ça, agrémenter de cotations rarement méchantes,  fait de Geyikbayiri le royaume du à vue ! Je repartirai avec une trentaine de voies à vue entre 6b et 7c en 2 semaines. Inner smile (7b+), Karinca (7a), Amele (7a+), Plastik fantastic (8a), Selamin aleyküm (7c), Try to enjoy (7b+) font partie des lignes qui m’auront fait vibrer ces 3 premiers jours.

Manu dans "Karinca", 7a

Hugo dans "Selamin aleyküm", 7c

Boul dans "Sabotaj", 7b+

La grosse pluie accompagnant notre arrivée a eu pour effet de rafraichir comme il se doit l’atmosphère et c’est sous un soleil généreux mais pas accablant que nous avons pu grimper le premier jour. Le lendemain, déjà, la chaleur s’est faite sentir et nous a contraint à nous réfugier à Magara, la principale grotte de la barre. Mais le ciel s’est voilé en journée et c’est sous une fine pluie que nous avons effectué la marche d’approche le lendemain, pluie qui ne nous quittera que par intermittence pendant 3 jours, pour devenir franchement persistante le 4ème jour. Heureusement, bon nombre de secteurs sont relativement bien abrités de la pluie grâces aux casquettes dominant la falaise. Si la pluie n’est pas trop intense, seules certaines sorties mouillent un peu mais il est possible tout de même se faire plaisir dans toutes les cotations. Et si la pluie devient vraiment gênante, il est toujours possible de se réfugier dans les incroyables galeries de la face nord, le secteur Trebenna, complètement abritées des intempéries. Ce que nous avons fait, forcément.

Caroline dans "No name", 6a

Manu dans "Pusht bush", 7b+

Gwendal dans "Plastik fantastik", 8a

Trebenna est pile en face de Sarkit, à même pas 10min de marche du camping. Le niveau est un poil plus élevé que de l’autre côté de la rivière, et les voies faciles ont tendance à ne pas être majeures. Le style d’escalade ne diffère pas vraiment des autres secteurs, si ce n’est qu’on y ajoute souvent une nouvelle dimension spatiale : grimpe sur piliers, à travers des trous, dans des conques, des galeries, des renfougnes… Ca peut paraître un peu austère à première vue mais essayez donc la première longueur de Lycian highway, un 5c+ qui laisse des souvenirs. La suite en 7b est toute aussi majeure. Le gros dévers à bacs de Greek gift (7b) enchantera les puissants, tandis qu’il faudra ruser pour atteindre la superbe colo finale de No money no dance (7c) ou le relais du technique Diplomarbeit (7b). Les plus résistants pourront s’offrir le joli pas de bloc d’Ikarus (8a+) ou celui de Pumping on mother’s breasts (7c+), toutes des voies d’exception.

Syl dans "Ikarus", 8a+

Le sale temps nous aura finalement lâché en début de deuxième semaine, pour laisser place à une chaleur assez intense, rendant presque pénibles les journées en plein soleil à Sarkit, les voies à l’ombre n’étant pas majoritaires. Cela ne m’a pas empêché de rendre visite au rail de Back on funky planet (7b+), aux stalactites de Jaja city (7a+), à la section compliquée mais combien splendide de White spirit (7c+), aux concrétions kalymnosiennes de Saxafon (6b+), aux colos plates de In ordan (6c+), aux barques de Anatolian highway (6c+), aux règles de Muskelkater (6b+), aux plats fuyants de Turkish airways (8a+), au crux sous le relais de Seek and destroy (7a) et aux patates de Power slave (7b), toutes des lignes d’envergure. Un petit tour au secteur Mevlana, le temps de charger les petits pieds du gentil 8a de Trio de ligoville et de se creuser les méninges dans la première longueur de Mevlana, 6c+ d’une rare beauté et nous voilà déjà à la veille du départ, une narine devant un plat gigantesque du resto du camping et l’autre devant un verre de raki, alcool local vaguement dégueulasse.

Thomas dans "In ordan", 6c+

Pat dans "Power slave", 7b

Pat dans "Anatolian highway", 6c+

8,50€ le repas, vues les quantités, ce n’est pas volé. Malgré tout, nous avons opté pour la formule bouffe à la maison en faisant nos courses personnelles le premier jour de repos et en cuisinant nous même (tout en expérimentant des boulettes à on n’a jamais su quoi…) Quitte à avoir une cuisine, autant s’en servir et si les produits ne sont pas vraiment moins chers qu’en France, cela reste moins cher qu’un resto par soir. La location de la voiture n’est pas très chère, 23€ par jour, mais l’essence est à un prix à la limite de l’indécence (autour de 2€ le litre). On peut payer quasiment tout en euros, mais cela vaut le coup de changer un peu d’argent en ville, sinon les commerçants (et le camping) appliquent systématiquement un taux de 1 euro pour 2 lires turques assez peu avantageux. Et puis vous pourrez faire vos emplettes au marché dominical à quelques kilomètres du site. Fruits (oranges et grenades pas chères), légumes et galettes à outrance pour pas grand-chose. Et une petite immersion dans la culture locale qui fait toujours du bien après une semaine à fréquenter quasiment exclusivement des grimpeurs du monde entier.

Les couleurs du marché local

Voilà, je termine cet article en remerciant tous les participants du trip pour cet ambiance si… décontractée ! A Gwen, Pat, Yannick, Fred, Thomas l’homme volant, le plus organisé et le meilleur pilote d’entre nous tous, Ben, Manu, Boul, Hugo et Manu Supercramp, je dis vous dis merci, on remettra ça ailleurs !

A table !!



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3 réponses à Turkish delight

  1. Tiffany VITALE dit :

    waouuuuuuh!
    comme d’hab, photos magnifiques et commentaires aux petits oignons (comme sur des bons pieds de grimpeurs haha!)
    on s’y croit presque! ça donne vraiment envie 😉
    à bientot, et bravo!

  2. Soline dit :

    Bonjour ! Je suis la soeur aînée de Gwendal et je connais Antalya, même si cela semble avoir bien changé ! Merci pour ce compte-rendu détaillé et sympa qui m’a ainsi permis de suivre vos aventures et en particulier celles de mon frangin, qui m’a initiée à l’escalade il y a peu et je dois maintenant tenir mes promesses : m’inscrire à la fédé pour un jour, vous accompagner dans vos super trips !
    En attendant, comme je suis éditrice de BD, je voyage à travers les livres et histoires de mes auteurs…
    Amitiés d’Angoulême
    Soline

  3. nico dit :

    salut syl’
    super compte rendu, et chapeau au photographe(s), comme dit tif’ : ca donne vraiment envie d’y aller ! (srtt en etant « accueillis comme il se doit par deux taxis aussi joyeux qu’une tartine de confiture face contre le carrelage », ca c’est le must du voyage !!!!!!!! )

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